vendredi 11 décembre 2020

Les "Industrials schools" : ces écoles d'éducation anglaises au 19ème siècle

L'Enfant-Pan est ancré à la fin du 19ème siècle à Londres. Une partie de l'histoire - qui débute en 1881 - se déroule à L'Oiseau blanc, une institution privée qui est en charge d'éduquer les gamins des rues. Peter Hawkson, le héros du roman, va y rencontrer d'autres garçons dont certains deviendront des amis dont Jimmy Jarvis et les frères Fisher.

L'arrière-plan du roman nous permet donc d'entrer dans ce qui a réellement existé à l'époque et que l'on appelait les Industrials schools. Dans les années 1850, les premières d'entre elles vont voir le jour suite à la promulgation de la loi de 1857 sur les jeunes délinquants. Elle donne le pouvoir aux magistrats d'enfermer les garçons sans-abris qui ont été condamné devant les tribunaux pour vagabondage. On en compte bientôt des dizaines dans les principales villes anglaises à Manchester, Newcastle, Bristol ou York. La capitale londonienne en compte d'abord deux dans les quartiers de Euston et de Chelsea.

Nouveaux arrivants                                      Industrial school en 1865


 En 1861, la loi est renforcée et permet aussi d'y enfermer les enfants coupable de mendicité ou de délits mineurs. Dans un premier temps, il s'agit donc davantage de maisons de rééducation. L'objectif est de prendre en charge les plus démuni et de leur offrir nourriture, éducation et apprentissage d'une métier. Les travaux manuels (couture, cordonnerie, jardinage...) sont quotidiens. L'emploi du temps y est strict. Les cas les plus sévères sont eux, incarcérés dans des maisons de correction, sous la coupe de l'autorité pénitentiaire.

                                                            Industrial school in Essex (F. Spalding)

Ce n'est qu'à partir d'une loi de 1876 que l'objet de ces institution évolue et qu'elles deviennent essentiellement des écoles de jour pour "les enfants dont l'éducation est négligée par leurs parents, ou qui sont trouvés errants ou en mauvaise compagnie." En bref, pour les mineurs non scolarisés qui vagabondent dans les rues. Ces écoles industrielles de jour prennent en charge uniquement des garçons âgés entre 8 et 14 ans de 8h à 18h, leur fournissent un repas et une éducation. Lorsque l'enfant montre de bonnes dispositions, il est ensuite renvoyé vers le système scolaire classique. Les filles, quant à elles, sont prises en charge dans des sortes de foyers où on favorise l'apprentissage d'un métier. Au milieu des années 1880, on compte plus de 130 industrials schools en Grande-Bretagne.

                                                               (source : P. Higginbotham)
  

L'Oiseau blanc ressemble donc à l'une de ces institutions, malgré quelques libertés que je me suis permis de prendre avec la réalité historique. Là-bas, les enfants y sont pour la plupart orphelins et ont été extraits de la rue. Certains, comme le héros Peter Hawkson, sont passés devant un juge. Mais nous n'avons pas à faire ici à une maison de correction, d'où des adultes qui posent un cadre de manière bienveillante à commencer par le Directeur Michael Kindman. De même, j'insiste sur le relatif confort de base qu'y trouvent les jeunes pensionnaires : des repas plusieurs fois par jour, des vêtements propres, un lit pour dormir et des activités, y compris ludiques ou sportives. Ce sont aussi des lieux où les enfants apprennent à lire et à écrire (on y trouve souvent une bibliothèque) et où on responsabilise les plus âgés. Ainsi, certains occupent les fonctions de Major comme dans le roman, notamment Theobald Lupus et Noah Pikkering.

Pour autant, ces institutions montrèrent leurs limites avec un taux d'échec notable. Les enfants y furent parfois victimes des violence et des sévices dont, à l'origine, la société britannique souhaitait les protéger. Le héros de l'Enfant-Pan est un exemple de ces échecs du système des Industrials schools.

A.D.

sources principales :  

Newcastle ragged and industrials schools de Wendy Prahms ; 

Industrials schools in England, 1857-1933 : Moral hospitals or oppressive institutions ? de Gillian Carol Gear


mardi 1 décembre 2020

L'Enfant-Pan : aux origines d'un mythe


  L'Enfant-Pan a germé dans mon esprit en 2012.

Toute la complexité de ce projet d'écriture a consisté à réinventer l'univers du Peter Pan de l'écrivain écossais James Matthew Barrie, sans trahir la philosophie qu'il a insufflé à son oeuvre.

 
James M. Barrie

Avant de revenir sur les origines de Peter, il m'a donc fallu me (re)-plonger dans tout ce qui a fondé, au fil du temps, le mythe du "garçon qui ne voulait pas grandir". Commençons par rectifier l'erreur que je viens volontairement d'énoncer : non, Peter n'est pas un enfant qui ne veut pas grandir mais, au fond, une traduction plus juste serait de dire qu'il ne peut pas grandir. Il est en effet, pour de multiples raisons, incapable d'accéder à l'état de l'âge adulte. Et c'est bien là tout le drame.

Un drame, me direz-vous ? Hé bien oui car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, demeurer dans cette enveloppe d'enfant habitant son Neverland est bien loin d'être aussi merveilleux que cela. A plus d'un titre, Peter est prisonnier d'une cage qui peut paraître dorée. Mais revenons aux origines de l'oeuvre.

Peter Pan, c'est d'abord le roman The Little White Bird (soit littéralement, Le Petit Oiseau blanc) paru en 1902, suivi deux ans plus tard d'une pièce de théâtre intitulée Peter Pan or the Boy who wouldn't grow up. Enfin, Barrie adapte sa pièce en roman en 1911 sous le nom de Peter and Wendy. L'auteur a donc finalisé diverses déclinaisons de son oeuvre. Il est connu que James M. Barrie était obsédé par son personnage, pour des raisons qui feraient écho à son histoire familiale et plus précisément à un traumatisme d'enfance : la mort de son frère.



En effet, le petit Jimmy Barrie, neuvième enfant d'une famille ouvrière (son père est tisserand, sa mère s'occupe du foyer), a sept ans lorsque son frère aîné David meurt accidentellement. Ce dernier est alors âgé de treize ans lorsqu'il fait une mauvaise chute en patin à glace, cause d'un traumatisme cérébral mortel. La mère de James ne se remettra jamais de la perte de ce fils à qui elle vouait un amour incommensurable. A tel point que le petit Jimmy, souffrant lui-même d'un manque d'amour maternel, tentera d'en grappiller des bribes en endossant "le costume" de ce frère défunt, au sens propre comme au sens figuré. 

                                                           James M. Barrie à l'âge de 14 ans

Le personnage de Peter Pan est également issu d'une rencontre. Celle de James Barrie en 1897 avec les enfants Llewelyn-Davies, dans le parc de Kensington où les emmènent régulièrement leur nurse. George est alors âgé de 4 ans, Jack a 3 ans et Peter est un nourrisson. Quelques mois plus tard, il se liera d'amitié avec leur mère Sylvia Llewelyn-Davies. James Barrie devient un proche de la famille. Les garçons, à qui s'ajoutent Michael (né en 1900) et Nicolas (né en 1903), le surnomment Uncle Jim. A la mort de leurs parents, James Barrie recueillera les orphelins et deviendra leur tuteur.

C'est dans ce contexte que les enfants Llewelyn-Davies et en particulier l'aîné George inspirent à l'auteur écossais le personnage de Peter. On connaît la suite !

Ci-dessous de g. à d. : Peter, Michael, Jack et George. Nicolas dans les bras de son père. La photo de droite montre quelques uns des frères Llewelyn-Davies en 1901.

de g. à d. : Peter, Michael, Jack et George. Nicolas dans les bras de son père.
 
 
 
 
 
A.D. 1er décembre 2020                     







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